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L'âge de Pierre

                      

   Lundi 29 octobre 2012 10:56

 

 Hier, comme ça, sans raison particulière, mon interlocuteur – dont je tairais le nom pour des raisons tant obscures qu'étrangères à ma déontologie -  mis sur le tapis l'âge de Pierre. Rapidement je me rendis compte que si le tapis n'était pas de soie, la texture imaginaire de ce dernier sans aucune importance ne pouvant en aucun cas défigurer ce qui est figuré (ça va de soi!), l'ami Pierre n'avait aucun rapport avec quelque individu arborant ce prénom : il parlait de la préhistoire !

 

De la préhistoire je m'en contrebalance comme de l'an quarante ou même cinquante du moins en ce moment précis où je fus sollicité et certainement encore pour quelques heures voire une semaine et demie.

 

Pourquoi "demi"? Dans un subconscient irréfléchi  l'idée fixe d'un demi bien tassé et sans mousse m'effleura l'esprit l'espace d'une seconde, cette même seconde où mon vis-à-vis s'inquiétait de mes considérations inexistantes sur l'âge de pierre !

 

Bien entendu il y a mousse et mousse. Un naviguant de toute première jeunesse n'ayant rien à voir avec ce point de repère – cryptogamique et cellulaire - que tout bon observateur en perdition en milieu sylvestre se doit de connaître pour ne pas perdre le nord. Aucune de ces deux définitions ne correspondant d'ailleurs à ma préoccupation conjoncturelle, la partie supérieure du "demi" bien tassé pour étancher ma soif demeurant mon seul souci.

 

Mais voilà bien le burlesque de la situation : pourquoi cette soif inopinée, soudaine, irréductible, défiant toutes les lois organiques et existentielles en cet instant et  lieu précis où vent et froidure à l'assaut de mon col roulé, de ma casquette et de mon suroît définissaient avec certitude  l'incongruité d'une telle appétence momentanée  à un besoin viscéral et salivaire?

 

Aujourd'hui encore, je me pose la question… et n'ai pas la réponse. Comme moi vous resterez sur votre faim… ou soif!

 

Quant à mon protagoniste d'un certain âge – j'ai appris qu'il s'appelait Pierre – il n'en est pas revenu et a disparu sans autre forme de procès, sans piano ni hautbois, de mon espace temporel.

 

Peut-être me trompe-je, mais dans une vie antérieure je l'imagine cassant des cailloux à grands coups de silex devant la grotte où, étendu à la romaine, je sirote quelque boisson capiteuse et rafraîchissante tout en observant cet énergumène, habillé (comme moi) d'une peau de bête et suant sang et eau sous un soleil de plomb... d'où cette soif intempestive et communicative d'un spectateur aliéné par un environnement aux sensations preignantes.

 

Pol Anthrope

                                                                                                   
 
                                   Copyright   Courrier Pol Ernaz  

 

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