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Purée... ou précisions sur un point d'histoire

Sans mobile série 

 (SOMMAIRE)

     Chronologique du plus récent au plus ancien :   

   

 

 

Sans mobile série 1

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                 Mercredi 22 janvier 2014 17:32

                        

Voici une heure je dégermais mes pommes de terre, opération fastidieuse  qui vous noirci le bout des doigts aussi efficacement que le porte-plume de mon enfance et avec le même mal de dos. Mal de dos de l'élève mal assis à moitié affalé sur son bureau la langue à la commissure des lèvres sous l'application et le sérieux du travail à rendre dans les meilleurs délais. Mal de dos du dégermeur de tubercules  piétinant debout devant un étal à sa hauteur  ou accroupi s'il a décidé d'effectuer cette opération au niveau du sol; et vous savez comme la terre est basse !

J'étais donc, voici tout juste une petite heure à dégermer. Mais que fait un Pol dans une telle situation ? Il réfléchit, il pense, il gamberge, il imagine, il voyage. Ses méninges entrent en effervescence, en fusion, son cerveau s'embrase et fume à tel point qu'un indien cheyenne situé à un kilomètre sur la colline d'en face, la main en visière décrypte sans difficulté et traduit au fil du vent pour son collègue apache dont la deuxième langue est malheureusement le sioux les gros nuages libérés sous les intenses bouillonnements cérébro-spinaux du penseur infernal.

Du moins eusse été ce qu'eût pu voir cet indien sur sa colline si contrairement au fait du moment présent, certifié et avéré par constat d'huissier si le cœur vous en dit, Pol ne fut pas confiné – sur sa seule décision propre, unitaire et intrinsèque - dans son cellier pour cette opération… mais passons.

 

Pol dégermait donc et pensait - Rabelais aurait sans doute balancé entre "dégermer en pensant" et "penser en dégermant" – il est certain qu'il ne dégermait pas en pensée : l'acte était bien réel et physique… il pensait. Mais à quoi donc ? Eh bien, tout naturellement à Parmentier : qui dit "pommes de terre"… Pol expert en vers (et en verres) rima Parmentier avec dentier. Et de là à imaginer la suite… Il imagina !

 

Parmentier avait-il un dentier? Ou, plus simplement, quel était l'état de sa dentition. L'histoire certainement apocryphe qui le désigne comme l'inventeur du hachis portant son anthroponyme peut laisser perplexe. Du moins l'idée qu'il inventa pour lui-même cet écrasé de pommes de terre communément appelé purée,  recommandé et apprécié par tout individu souffrant de gingivite ou n'ayant plus que des molaires et incisives en chicots ou détenteur de râtelier insuffisamment performant, cette idée ne tient pas  si l'on s'attarde un tant soit peu à l'homme et à son parcours professionnel. En effet, comme vous le savez, Antoine Augustin Parmentier militaire était avant tout apothicaire et qui plus est nutritionniste, c'était un maniaque de la propreté et de l'hygiène. Nul doute que s'il eût été ce voyageur ayant importé du Pérou (ce qui ne fut pas le cas) cet aliment de base sauveur de tous les foyers peu argentés, il ne serait pas revenu scorbutique, les dents déchaussées et les gencives purulentes. Non, les bienfaits de la vitamine C il connaissait. Parmentier possédait un dentier en béton même sans Colgate ni Signal, il utilisait bien entendu  cette eau "balsamique et spiritueuse* " inventée par Julien Botot le médecin de Louis XV et les vers écrits en 1239 par le médecin-poète Jean de Milan trottaient matin et soir dans sa tête au moment des séances biquotidiennes de soins dentaires, à tel point que parfois sa femme de chambre l'entendait les déclamer tout haut d'une voix de stentor; je vous les livre :

"Frotte tes dents et les tiens nettes

Rien n'est si laid quand tu caquettes

Ou ris, de voir sous ton chapeau

 Des dents noires comme un corbeau

Qui te donnent mauvaise haleine."

 

C'est dire ! Non, Parmentier avait d'excellentes dents et s'il inventa la purée c'est uniquement dans le but de satisfaire le roi Louis XVI …mais suite à un malentendu !

En effet, un jour ou notre pharmacien militaire avait abusé de la lotion Botot – suite à une légère douleur enregistrée dans sa deuxième molaire de gauche en partant de la droite - il usa plus que nécessaire de l'eau plus spiritueuse que balsamique (revoir le dernier élément de la composition), y prit goût, multiplia la posologie, à tel point que le soir venu, un peu éméché, il chantait sans retenue les vers de Jean de Milan qu'il avait mis en musique… et à sa sauce !

Le soir même, Louis XVI et Marie-Antoinette donnait un dîner où la pomme de terre, sous les recommandations de notre biberonneur du moment, devait être la reine (autant que l'on puisse l'être en présence de l'épouse du roi). Et le nouveau Bacchus exceptionnellement hic! maître hic! de cérémonie pour l'occasion hic! maître-queux et cuisinier en chef hic! se rappela ses responsabilités dans l'édification des différentes recettes devant promouvoir le tubercule. Il se précipite aux fourneaux et met en branle sa première recette toute simple, des pommes de terre déshabillées à l'eau (pas balsamique... ni téléphonique) salée tout en chantant son air préféré avec  des paroles de circonstance dont je vous livre le texte :

" Ce soir le roi Louis et Marie-Antoinette

Me commandent ainsi de coiffer la casquette

De maître cuisinier, de porter le drapeau

De recette nouvelle mariant le turbot.

Je trouverai  le style inspiré par Silène."

(P.S. Admirez la concordance des rimes avec les vers précédents !)

 

Et durant toute la cuisson – trente minutes comme chacun sait – toujours sous l'effet grisant de la potion dentaire, il continua à chanter, crier, bramer de plus belle, heureux de sa trouvaille et de leur à-propos,  ces derniers vers  dont il se gargarisait mais de plus en plus irritant pour l'escouade de commis à son service. Cela devenait insoutenable, lorsque vers la fin de la cuisson, un petit mitron encore plus exaspéré, ne tenant plus, sans vraiment soupçonner les conséquences de son intervention, osa lancer aux oreilles du nouveau cordon bleu : "Ah! Maître, écrasez s'il vous plaît, écrasez!"... lui signifiant ainsi de la boucler.

A ce stade de notre récit il nous faut apporter  une précision importante, à cette époque prérévolutionnaire une telle interjection "écrasez!" si ce n'est  dans certains culs-de-basse-fosse où notre larbin avait fait ses classes, n'avait pas le sens argotique et trivial ordonnant à un interlocuteur de se taire que nous lui connaîtrons deux siècles plus tard; écraser n'était connu que par son sens premier de briser, compresser ou réduire… d'où la confusion pour la suite des événements.  

 

Sur le moment un silence sidéral envahi  la salle, tous les regards étonnés pour ne pas dire effarés se portèrent à la fois sur l'insignifiant ciron auteur  d'une telle intrusion dans les envolées lyrique du nouveau concertiste et sur le chef d'orchestre exhalant les dernières vapeurs de son addiction momentanée mais non rémanente au spiritueux médicament. Comment un gâte-sauce de troisième zone pouvait-il se permettre de donner des conseils ou la moindre suggestion au dieu de l'Olympe?  A la surprise générale l'effet redouté d'une telle forfaiture se traduisit, on l'attendait, d'abord par un arrêt brutal du ténor en plein ascension suivi plus étonnamment par une expression très interrogative du même soliste : "Ecraser ? Ecraser … tiens, pourquoi pas ? C'est une idée !" Dit-il tout haut. Les pommes de terre déshabillées venaient juste de terminer leur cuisson. Parmentier prit un pilon et à même la cocotte, dans un reste d'eau salée, il écrasa les tubercules; et comme l'imagination de ce digne successeur d'Apicius et de Vatel était sans limites l'idée d'y ajouter certains ingrédients complémentaires lui traversa l'esprit tout naturellement. Et c'est ainsi que cette fois, grisé par sa trouvaille ainsi que par son sens inné de l'innovation, il resta sur le même registre musical tout en ajoutant un a un de nouveaux composants à cet écrasé de pommes de terre, ce qui donna :

"Voilà je mets dedans le lait de Marinette

Quelques grains de poivre comme pour la blanquette

Un gros morceau de beurre ajout bien à propos

Deux trois brins de  persil pour faire encor' plus beau

Une touche finale : un soupçon de cannelle."

(P.S. Las! Ici il y a une inversion sur la dernière rime!!!)

 

La purée était née !

 

L'histoire renchérie en laissant entendre qu'à la vue de cette composition Parmentier aurait rajouté :"Au moins, avec ce plat, les mauvaises dents de notre sire Louis seront bien gardées!" C'est mal connaître l'histoire de nos souverains. Parmentier n'ignorait pas que si le grand-père de son grand-père, Louis XIV, avait et eut toujours de très mauvaises dents, ce n'était en rien le cas de Louis XVI qui lui les avait excellentes et qu'elles n'eurent d'ailleurs guère le temps de se gâter vu le sort qui lui fut donné... les dents tombèrent tout naturellement avec la tête balayant pour le coup toutes potentialités de détérioration ultérieure et sénile.

 

Pol Encas (purée de quatre heures)

 

*Composition de l'eau balsamique et spiritueuse du docteur Botot: badiane, girofle, cannelle, benjoin, essence de menthe et alcool à 80° (retour au texte)

 

 

                                                                                                   
 
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